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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/221

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Dans ce camp des Furies où il habite (Castrum furiarum incolo), sur cette cime où il est cloué, servant de pâture toujours renaissante à l’aigle de Jupiter, il était visité par d’autres vaincus, d’autres persécutés ; il entendait des chants de consolation et d’espérance. Veuf de lui-même, selon la parole du poëte, cherchant la fin de ses maux dans un désir passionné de la mort, mais repoussé de la mort par l’inexorable puissance de Jupiter, il est tout à coup délivré par le fils même de ce dieu, et il peut s’écrier : Ô fils pour moi très-cher d’un père abhorré ! »

Ce libérateur, c’était Hercule, le fabuleux symbole du courage et du génie des Grecs, de leurs migrations victorieuses, de leurs conquêtes et de leurs arts. L’imagination peut rêver sans terme l’allégresse triomphale et l’enthousiasme lyrique de ce dénouement, où le libérateur posait une couronne sur la tête du porte-flamme de l’humanité, en même temps qu’il le déliait de ses chaînes. N’était-ce pas, après Platée, Mycale et Salamine, après la fuite des Pisistratides et des Perses, comme une avant-scène de l’âge immortel de Périclès, et comme l’entrée magnifique de ces temps de gloire où, libre, savante et fière, avec ses marins, son aréopage, sa tribune, Athènes vit pendant un demi-siècle se presser sur un coin de terre toutes les merveilles du génie, depuis Sophocle jusqu’à Platon, depuis Thucydide jusqu’aux derniers combats de Démosthène et à la grandeur d’Alexandre ?