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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Insisterons-nous encore sur la partie purement lyrique de ce théâtre ? Comment s’éloigner de ces monuments sublimes, ou même de ces ruines qui confondent l’admiration ? Comment ne pas marquer les différences et les beautés morales que le génie, aidé par le temps, ajoutait encore à cette poésie ? Non que la première et terrible sainteté en ait été jamais dépassée. Eschyle demeura toujours le poëte des Euménides, le persécuteur ardent du crime, le chantre des malédictions. Mais, après lui, la gravité morale du Chœur paraîtra plus majestueuse encore, plus calme, plus rapprochée de la hauteur des cieux qu’elle invoquait, moins menaçante enfin et plus instructive pour les humains, dont elle plaignait les maux et les fautes. Après Sophocle, et au-dessous de lui, la lyre d’Euripide vint tour à tour se mêler au drame par la passion, et reposer un peu les âmes par le charme pur de la mélodie poétique. Enfin, après ces grands hommes, et tout ce qui nous manque de leurs créations si nombreuses, et tout ce qui s’est perdu devant leur gloire, quoique sans doute inspiré par elle, nous aurons encore à chercher le sillon lyrique dans celui qui fut leur ennemi, leur juge et leur immortel parodiste.

Que leur mémoire nous pardonne ! Mais, avec les hymnes de Pindare, les chants de prophétie et d’anathème mêlés aux Choéphores et aux Euménides, avec les cantiques sublimes et gracieux où s’élève Sopho-