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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

longtemps au nom de Pindare, dans le changement des lois et des mœurs de la Grèce, et dans l’acheminement des esprits vers la soumission à un conquérant qui rendrait le nom grec maître de l’Asie.

Aristote, préparant le génie d’Alexandre, ne dut pas sans doute moins recommander à son élève la poésie morale de Pindare que les chants belliqueux d’Homère. Et le futur dominateur de l’Orient, qui refusait de disputer des prix à Olympie, parce qu’il n’y rencontrait pas de rois pour rivaux, ne pouvait cependant méconnaître l’influence populaire de ces palmes qu’il dédaignait. Il savait que le roi Philippe, si habile séducteur de l’esprit des Grecs, avait compté pour trois prospérités égales qui lui étaient échues le même jour, la défaite des Triballiens rebelles, une victoire à la course des chars, et la naissance du fils que lui donnait Olympias. Enfin, sur les monnaies de Macédoine, Alexandre voyait la tête de ce roi, son puissant prédécesseur, ornée des palmes remportées dans les grands jeux de la Grèce.

Lui-même, toutefois, ne parut jamais favoriser ces jeux, ancienne et rude école de la liberté grecque. Dans les fêtes de sa cour, il affectait de proposer des prix aux poëtes, aux maîtres du luth ou de la lyre ; mais rarement il admit d’autres jeux ; et, parmi les cruautés de son règne, il fit mourir un athlète, dont le seul crime était d’avoir terrassé en public, par son agile vigueur et sans armes, un Macédonien tout armé.