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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

rois l’attribut qu’il leur souhaite à eux-mêmes, la domination sur les hautes citadelles. Au lieu de ce sceptre équitable, de ce soin de cueillir la fleur des plus hautes vertus, de cette patience à supporter la plainte, de cet amour de la justice et des arts, dont Pindare félicitait Hiéron, au lieu de ces lois justes et de cette liberté paisible qu’il attendait du roi d’Etna, fils d’Hiéron, ce que Callimaque célèbre dans Ptolémée, c’est la rapidité de la puissance arbitraire, ce sont ces images, empruntées à l’Orient, d’une volonté suprême aussi promptement obéie que connue.

Toutefois, au milieu de ce déchet de la dignité humaine chez les Grecs, dans cet abaissement de la vertu civile qui suivit la conquête d’Alexandre et marqua la domination de ses indignes successeurs en Macédoine, en Égypte, en Syrie, il semble incontestable que, dans l’ordre moral, dans la forme et l’action du sentiment religieux, quelques clartés nouvelles avaient lui, quelques vérités de plus agissaient sur le monde. Malgré les traditions mythologiques curieusement recueillies par le poëte d’Alexandrie, ce Jupiter, si supérieur à tout, que les destinées n’ont pas établi, qui frappe d’impuissance les rois et dissipe leurs vains conseils, semble se rapprocher des idées plus pures de la Divinité que déjà la lumière entrevue des livres hébraïques répandait dans l’Orient. Sous le nom de Jupiter, c’est le Dieu des Juifs qui est adoré ici, ce Dieu qui donne la vertu et la richesse, et qui, même par les biens terres-