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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

substances mortelles ne le voit, mais il est vu par l’esprit. Lui-même, du milieu des biens, n’envoie pas le mal aux mortels. Seulement, à sa suite marchent la grâce et la haine, la guerre et la famine, et les douleurs abondantes en larmes. Et ce Dieu gouverne les vents dans les airs et sur l’Océan ; et il suscite l’éclat de la foudre toute-puissante. Lui-même, au sommet du grand ciel, il est assis sur un trône d’or ; et ses pieds marchent sur la terre, et il a étendu sa main droite jusqu’aux bornes de l’Océan ; et la base de la terre a tremblé et ne peut supporter son courroux.

Il est lui-même placé souverainement au faîte des cieux ; et il accomplit toutes choses sur la terre, ayant en soi le commencement, le milieu et la fin. »

Bien des observations d’histoire et de goût peuvent naître de la différence de ces deux fragments. Le second n’est pas seulement une surcharge lyrique du premier : on y sent aussi ce travail anonyme de la pensée morale dans un peuple. Ce caractère doit frapper surtout dans le passage où le chantre orphique, l’imagination frappée sans doute des menaces du Seigneur dans les livres saints et des maux si fréquemment déchaînés par sa colère, s’était plu à montrer son grand Dieu, qui, du milieu des biens, envoie tous les désastres aux hommes. Évidemment, sur cet écho malheureux des paroles de Jéhovah et de ses prophètes, le scrupule a pris plus tard aux compilateurs poétiques