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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

le patronage de Ptolémée Philadelphe, on ne peut s’étonner si Théocrite, accueilli longtemps à la cour de ce prince, emprunta quelques-unes de ses images pastorales à la poésie du livre saint des Hébreux.

On peut, je crois, difficilement douter que le poëte sicilien n’ait eu sous les yeux quelques expressions du prophète Isaïe, quand il écrivait : « Maintenant, buissons, portez la violette ; portez l’acanthe ! que le beau narcisse fleurisse sur les épines ! Que le pin porte des poires, et que le daim fasse sa proie des chiens ! »

L’occasion de ces phénomènes hyperboliques est autre dans le poëte grec, autre dans le poëte d’Israël. L’un les employait pour une naissance ; l’autre, pour une mort ; mais la singularité du mouvement de passion ainsi reproduit semble attester l’imitation.

Théocrite paraît avoir imité aussi le Cantique des cantiques, dans son épithalame sur le mariage d’Hélène. L’ouverture du poëme grec est dans l’esprit du chant hébraïque. L’imitation est plus sensible encore dans le portrait d’Hélène. C’est autre chose que la poésie sicilienne ; c’est l’Orient même.

Essayons de marquer ces nuances dans nos faibles proses, et de montrer au moins sur le papier les linéaments et les contours de la fleur desséchée : « Dans Sparte, jadis, près du blond Ménélas, les vierges, portant le vert hyacinthe mêlé dans leur chevelure, s’étaient arrêtées, formant un chœur, devant la

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