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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

parfois cet enthousiasme au poëte, mais à condition d’être un moment tout à fait Hellène et de traduire ces modèles dont il était ravi. Nous avons en grec la brusque entrée d’un dithyrambe : « À moi, Bacchus ; à moi de chanter ; à moi d’errer sur les montagnes, en y sacrifiant avec les naïades ! » Horace refait l’hymne entier :

« Où m’entraînes-tu[1] plein de toi, Bacchus ? Dans quelles forêts, dans quels antres s’envole mon âme transformée ? Dans quelles grottes entendra-t-on mes préludes associant aux astres et aux conseils de Jupiter la gloire éternelle de l’illustre César ? Je vais dire une chose grande et nouvelle, que n’a dite aucune autre bouche. Comme, du haut des collines, la bacchante sans sommeil regarde au loin l’Hèbre, la Thrace blanchie sous les neiges et le Rhodope foulé d’un pied barbare, ainsi, qu’il m’est doux de m’égarer admirant les rivages et le bois solitaire ! Ô maître des naïades et des bacchantes, dont les fortes mains brisent les plus hauts frênes, je ne dirai rien de petit ou de faible, rien qui soit d’un mortel. C’est un doux péril, ô Bacchus, de suivre le dieu qui ceint sa tête du pampre verdoyant. »

Ce sont les fêtes, ou plutôt c’est la poésie de la Grèce qui respire dans ce caprice savant d’Horace ; c’est la veillée des bacchantes d’Euripide : on voit les mille bras qui ont saisi la tige du frêne et l’ont arrachée de

  1. Horat. l. III, od. 25.