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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

ment réclamé, l’invasion ou le secours des armes étrangères ; nobles et vains accents, qu’il suffit de redire :

« Italie, ma chère Italie ! bien que la parole soit impuissante contre les mortelles blessures que je vois si pressées sur ton beau corps, je veux exhaler des soupirs tels que les attend le Tibre, l’Arno et le Pô, dont j’habite les rives, douloureux et pensif. Roi du ciel ! je prie que la pitié, qui t’a conduit sur la terre, te fasse prendre en gré cette fertile contrée. Vois, Dieu bienfaisant ! quelle guerre cruelle, sur quel léger prétexte ! Ces cœurs qu’endurcit le farouche Mars, ouvre-les, Dieu paternel ! et attendris-les… — Vous à qui la fortune a mis en main le gouvernement de ces belles contrées, dont il semble que vous n’ayez nulle pitié, que font ici tant d’épées étrangères ? »

« La nature avait sagement pourvu à notre indépendance, » disait encore le poëte, « lorsqu’elle avait élevé les Alpes entre nous et la rage tudesque. » Puis, se lamentant sur cet obstacle inutile et franchi tant de fois, il s’écriait, avec plus de douleur que de force : « N’est-ce pas ici le sol que j’ai touché d’abord ? N’est-ce pas le nid où je fus nourri si doucement ? N’est-ce pas cette patrie, à laquelle je me confie, mère tendre et pieuse, dont le sein recouvre ceux qui m’ont donné le jour ? Au nom de Dieu, que cela touche votre âme ! et regardez en pitié les larmes d’un peuple malheureux qui attend son repos de vous seul, après Dieu. Pour peu que vous donniez