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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

l’Espagne. L’Angleterre, les îles que baigne l’Océan, entre la Grande Ourse et les Colonnes d’Hercule, aussi loin que retentit la voix de l’Hélicon, tous ces peuples divers de langues, d’armes et de vêtements, la charité divine les précipite à cette grande entreprise. Quelles légitimes et saintes amours, quelles filles, quelles femmes ne seraient pas sacrifiées à si noble devoir ? »

Mais ce langage du poëte n’avait déjà sur les hommes d’un siècle nouveau rien de la puissance qu’exerçaient jadis la rude parole de Pierre l’Ermite, ou l’éloquence passionnée de saint Bernard. À travers ses souffrances, l’Italie, de toute part enrichie par le commerce, s’embellissait, s’éclairait, retrouvait çà et là quelque liberté, mais non l’unité ni l’indépendance. Honorons-la surtout de ce qu’elle fit alors, pour le goût et les arts ! voyons en elle le premier musée de l’Europe moderne ; n’en espérons pas ces élévations de génie qui tiennent à l’énergie des âmes, à la grandeur des vertus civiles. Le progrès et le déclin, l’élégance et la corruption, eurent en Italie même date. Par là, tout en l’admirant, on ne peut la proposer pour modèle, ni surtout y chercher, en dehors des arts du dessin, cet enthousiasme moral qui est le sublime du génie. Ce sublime a jailli du ciseau de Michel-Ange sur le front inspiré de sa statue de Moïse : il n’a point passé dans cette poésie du Tasse ou d’Arioste, gracieuse, variée, brillante, égale à tout