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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

pour la gloire de son saint nom, accorde à son Espagne ce triomphe.

Bénie soit ta grandeur, ô Seigneur ! pour avoir, après tant de maux soufferts, après nos fautes et nos châtiments, brisé l’antique orgueil de l’ennemi ! Que tes élus t’adorent, ô Seigneur ! que tout ce que le vaste ciel enserre confesse ton nom, ô notre Dieu et notre appui ! et que la tête condamnée du rebelle périsse dans les flammes ! »

On a depuis nommé la victoire de Lépante vaine et stérile : elle ne porta pas tous ses fruits, en effet. Gâtée par la jalousie de Philippe II contre ses alliés et ses proches, elle s’arrêta, pour laisser aux Turcs, dans un lâche traité de paix, tout ce qu’ils avaient conquis. Déjà ce peuple couvrait la Méditerranée d’une flotte nouvelle de deux cents galères. Tant sa barbarie, prompte à se remettre d’un désastre, était alors armée de vigueur et d’activité ! Que n’eût-elle pas osé, sans la victoire de Lépante, ce premier exemple de nos journées modernes de Tchesmé et de Navarin ? Honorons, dans les vers d’Herréra, cette voix du peuple qui ne trompe pas sur la vraie politique d’un temps, et cet instinct généreux trop lent parfois à renaître et à triompher.

Au fond, c’était déjà l’antipathie de la civilisation contre la barbarie, de l’Europe éclairée contre l’Orient féroce et dissolu, l’impatience d’un contact odieux et d’une dégradante usurpation des plus belles contrées