Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
507
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Vainement Ronsard voulut forcer tout-à-coup l’idiome de Marot à la majesté des chœurs antiques, ou même à l’élégant artifice des poëtes alexandrins. Il n’avait pas assez d’enthousiasme naturel pour une œuvre si haute, ni l’art français d’alors assez de maturité savante pour bien rendre sous sa main. Cependant, comme on l’a remarqué finement de nos jours, ce faux grand poëte, ce malheureux parodiste de Pindare et même de Callimaque, était capable de naïveté, de grâce et de douceur dans les petits sujets, et à son insu peut-être. Le génie propre de la langue et, sans doute aussi, l’éclair d’un sentiment vrai dissipaient cette fois le nuage, et laissaient paraître le poëte.

Mignonne, allons voir si la rose
Qui, ce matin, avoit desclose
Sa robe de pourpre au soleil,
À point perdu, ceste vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.


Las ! voyez comme, en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ! ses beautés laissé cheoir !
O vrayment marastre nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !


Donc, si vous m’en croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur, la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.

D’autres échantillons du même art, de la même dé-