beaux mots, mais qu’elle veut être extrêmement travaillée. » À la mort de Ronsard, Malherbe avait trente ans ; et il était déjà maître de ce pur et nerveux langage dont il usait avec épargne et qu’il posséda jusqu’à la fin de ses jours. À lui, on peut le dire, appartient le premier modèle de perfection du style français, le plus ancien mélange de force élégante et d’irréprochable pureté, de naturel et d’éclat. Ce sont quelques paraphrases d’un psaume, quelques vers que Fénelon lui-même, si rigoureux à notre poésie, sera forcé d’admirer comme une œuvre antique ; ce sont aussi quelques accents vraiment lyriques, nés de la passion présente et d’un travail ardent de l’esprit. Là cependant, admirable dans quelques strophes, Malherbe est inégal, même pour un effort de courte durée : tant cette flamme de génie, prodiguée sous le ciel de la Grèce, était départie d’une main plus avare à nos climats tempérés ; et tant ce génie moderne, qui renaissait laborieusement, avait à la fois à s’aider et à se dégager d’un amas de souvenirs ! Ainsi, dans l’ode sur un des meurtres tentés contre Henri IV, après ce début vraiment inspiré :
Que direz-vous, races futures,
Si quelquefois un vrai discours
Vous récite les aventures
De nos abominables jours ?
quelques strophes semblent surchargées ou faibles, malgré de grandes beautés ; la rouille du siècle se