Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/521

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
513
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

dans le Nord. Pour l’humanité naissante, l’Orient seul était habitable ; de l’Orient seul l’antiquité nous a transmis un art, une poésie.

Haud alios, primâ crescentis origine mundi,
Illuxisse dies aliumve babuisse tenorem
Crediderim : ver illud erat ; ver magnus agebat
Orbis.

Avec la chute de l’ancienne civilisation apparut pour la première fois le génie septentrional, mais tout inculte et grossier, jetant sur le Midi son empreinte barbare, et ternissant d’abord ce qu’il devait rajeunir. C’est ainsi que, dans quelques pâles récits du Bas-Empire romain, il nous est montré avec effroi parmi les hordes des Huns leurs poëtes, dont la voix ne pouvait retentir entre les chariots du camp qu’on ne vît aussitôt les hommes courir aux armes, et les enfants verser des pleurs d’impatience et de rage.

Bien avant cette grande irruption du Nord, Tacite avait rappelé l’instinct poétique des Germains autant que leur courage, le belliqueux bardit dont ils s’inspiraient, en marchant au combat, leurs hymnes à leurs dieux, leurs chants à l’honneur d’Arminius.

Plusieurs siècles après Arminius et Tacite, sous de nouvelles invasions du Nord dans l’Asie grecque, l’Europe méridionale et l’Afrique romaine, se retrouvait encore un ferment de poésie apporté par les destructeurs eux-mêmes. L’ardeur de la charité chrétienne l’adoucit et l’épura quelquefois. La barbarie gothique ou

33