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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

si beaux vers à Thompson. Un autre temps et un autre génie devaient donner à l’Angleterre l’idée, ou du moins la forme artificielle, mais vivante encore, de l’enthousiasme lyrique.

Ni le spectacle des événements, ni la passion politique, ne la firent naître cette fois. Elle sortit de l’étude et de la méditation, dans une vie obscure, mais libre et fière. Elle produisit peu : car cette inspiration intérieure, qui n’est pas l’écho du monde, qui ne s’anime et ne se nourrit qu’à sa propre flamme, s’éveille plus tard et dure moins longtemps. Ce fut celle de Gray, parvenu à une gloire éminente, dans le siècle dernier, avec de rares et courts essais de poésie, et célèbre encore de nos jours, après le grand éclat de poésie moderne qui lui a succédé et qui semblait devoir l’ensevelir.

C’est que Gray, avec la science et le goût profond de l’antiquité, eut une manière originale de sentir et de rendre sa pensée. Dans un siècle d’innovation philosophique et d’ambition active, il ne vécut que pour la perfection de l’art, la curiosité de l’étude et la paix solitaire du cœur. Cette belle poésie grecque, si négligée alors, hormis par quelques éditeurs allemands, si mal jugée et si défigurée dans les préfaces ou les imitations tragiques de Voltaire, il la connut à fond, en antiquaire, en artiste, en poëte. Ce moyen âge, alors aussi peu loué que peu compris, cette antiquité des siècles gallo-romains et celtiques, il la connut également, dans