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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

je dirige ma course dans le crépuscule ; mais plus encore, sous le pâle rayon de la lune, je m’aperçois que tu manques à mon côté.

« Je dispose mes livres, j’essaye mon pinceau, pour charmer les heures languissantes du midi : mais il me manque ton œil doucement approbateur, ton oreille attentive avec indulgence.

« Seulement, lorsque l’étoile du matin et celle du soir me voient m’agenouiller, je sens que, malgré la grande distance qui nous sépare, tes prières, à la même heure, montent aux cieux pour moi.

« En avant donc, en avant ! Où le devoir m’appelle, que là se précipitent mes pas, sur les brûlantes prairies de l’Hindoustan, sur les froides hauteurs d’Armora !

« Que ni les portes royales de Delhi, ni la terre sauvage des Malais, ne me retiennent ! car le suprême bonheur nous attend tous deux là-bas, près de l’Océan occidental.

« Tes tours, ô Bombay ! s’élèvent resplendissantes au-dessus de la bleuâtre obscurité de la mer ; mais il n’y eut jamais cœurs si contents et si heureux qu’il s’en rencontrera bientôt dans tes murs. »

Ne reconnaissez-vous pas, sinon l’évêque, du moins le chrétien dans le poëte ? Et quand on pense que l’objet de cette passion, la courageuse compagne de cette vie si dévouée, si charitable et terminée si vite, partageait la science comme les vertus du généreux apôtre, qu’elle rassembla les feuilles échappées de sa main mourante,