Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/591

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
583
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

vapeurs qui remontent couvre l’abîme, s’arrondit en coupole, s’élève aux cieux en pyramide, et, planant sur les forêts d’alentour, épouvante le solitaire chasseur. »

Dans l’original, cette peinture est pleine d’éclat ; mais elle n’a pas la beauté sévère que le grand lyrique de l’antiquité portait dans la description des phénomènes de la Sicile. Devant l’Etna et ses jets de feu nocturnes enflammant au loin la mer de Sicile, Pindare ne songe pas à lui-même ; il ne mêle pas les mécomptes de l’orgueil poétique à ces terreurs de la nature. Le poëte mexicain ramène ici sa jeunesse aux prises avec les angoisses du cœur, sa flamme éteinte et la souffrance interne qui obscurcit son front. « Jamais, s’écrie-t-il, « je n’ai senti comme aujourd’hui mon abandon, ma solitude, mon lamentable manque d’amour. »

Un art plus heureux du poëte, c’est de ne point s’arrêter aux seules grandeurs de la matière, tout étonnantes qu’elles soient, mais de remonter à la pensée divine. « Dieu de vérité, dit-il, sous d’autres climats j’ai vu de faux sages, osant fouiller tes mystères, insulter ta providence et pousser à l’impiété les malheureux humains. Pour cela même mon âme t’a cherché toujours dans le silence des solitudes. Aujourd’hui elle s’est ouverte devant toi ; je sens ta main dans cette immensité, et ta voix retentit jusqu’à mon cœur dans le tonnerre éternel de ce fleuve qui tombe.