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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

rais entendre dans la brise lointaine la voix des roseaux et des palmiers de Cuba !

Oh ! ne me condamnez pas à gémir ici, comme dans une serre se flétrit, enfermée entre des verres qui la réchauffent, la plante désormais stérile d’un autre climat. »

Cet impérieux souvenir de la patrie, cet amour du soleil rappelait Heredia. Il revint à Mexico, fut d’abord avocat, puis élevé aux honneurs de la magistrature. Marié et devenu père de famille, l’orageuse instabilité de l’Orient américain l’épouvanta d’autant plus. On lit des vers de lui où il invoquait la main d’un Sylla et bénissait cette sanglante tutelle. L’imagination sait rarement se modérer dans sa confiance ou dans son effroi : elle espère trop de la liberté, et elle en a trop peur ; elle invoque alors la dictature, et retrouve parfois les mêmes orages sous un autre nom.

Quoi qu’il en soit, la renommée poétique d’Heredia demeurait grande parmi tous les changements de ces républiques équinoxiales. Rapproché maintenant de Cuba, il gémissait de la voir encore soumise à la monarchie espagnole, et non moins privée d’indépendance que de liberté. Un voyage qu’il y fit impunément lui laissa peu d’espérance ; et, de retour à Mexico, il se vit déchu de sa magistrature inamovible par une loi nouvelle et inexorable, comme en portent parfois les républiques. Jeune encore, mais infirme et malheureux, le poëte succomba sous tant de maux. Il mourut, le