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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

époques, chez les peuples le plus séparés d’origine et d’histoire, ne semble-t-il pas que la lyre patriotique et guerrière va trouver, presque à la même heure, le même office à remplir dans Athènes que dans la Judée ? Ce chant d’Isaïe sur la ruine du roi de Babylone, cette réponse à d’insolentes menaces, cet orgueil du roi des rois brisé de si haut, ne nous conduisent-ils pas, comme par un même souvenir, aux grands jours de la Grèce, à l’invasion de Xerxès, à l’abandon d’Athènes, à la retraite victorieuse des Athéniens sur mer, à la fuite du barbare repassant l’Hellespont, à toutes ces merveilles, enfin, qu’a partagées et qu’a chantées le tragique Eschyle, contemporain du lyrique Pindare, et, sous une autre forme, enfant du même génie ?

Après avoir cherché dans la vieille Asie les plus hautes inspirations de l’enthousiasme lyrique, après en avoir contemplé la vertu guerrière dans les luttes d’un coin de terre monothéiste et civilisé contre l’Assyrie barbare et idolâtre, on est mieux préparé à le reconnaître dans l’immortelle victoire de cette petite péninsule de la Grèce, ingénieuse et libre, sur l’Orient despotique de Suse et d’Ecbatane, traînant à sa suite les descendants des anciens esclaves des rois et jusqu’à des milices de ce peuple juif tombé du joug de Babylone sous celui de la Perse.