Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

la licence effrénée d’Archiloque, et la grâce à la fois épicurienne et savante d’Horace.

Né dans l’île de Paros, vers la dix-septième olympiade, six siècles avant notre ère, Archiloque courut toutes les aventures de la vie civilisée d’alors, tout ensemble poëte et guerrier, diffamé dans ses mœurs, redouté pour ses vers, implacable ennemi domestique, faible défenseur de ses concitoyens, et couvrant de son impudence encore plus que de son génie sa désertion dans le combat, et la perte de ce bouclier avec lequel ou sur lequel un Spartiate devait revenir du champ de bataille.

Il s’était nommé dans ses vers le serviteur de Mars, roi de la guerre, et le disciple instruit au don gracieux des Muses[1]. Ailleurs, se faisant aussi guerrier que le Cretois Hybrias dans une vieille chanson, il disait[2] : « Avec la lance, je trouve le pain pétri pour moi ; avec la lance, je recueille la vendange d’Ismare ; avec la lance, j’ai de quoi boire à mon aise couché. » Mais cette prouesse ne se soutint pas ; et, par une justice du sort, l’aveu de sa faiblesse a survécu dans le petit nombre de vers qui nous sont restés de lui. « Archiloque le poëte, raconte Plutarque[3], se trouvant à Sparte, les Lacédémoniens le chassèrent à l’heure

  1. Ἀμφότερον, θεράπων μὲν Ἐνυαλίοιο ἄνακτος
    καὶ Μουσέων ἐρατὸν δῶρον ἐπιστάμενος.

    Poet. lyr. græc., ed. Bergk, p. 467.
  2. Ibid.
  3. Plut. Mor. Instit. Lac. 34.