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Page:Villemin - Sonnets d’outre-tombe, 1877.djvu/38

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sonnets d’amour

LE TREMBLEUR.



Madame, ayez pitié ; le moindre choc m’agite.
L’algue au rocher flottante, et l’herbe au bord des eaux,
La prêle au marécage, aux étangs les roſeaux,
Tout ce qui tremble au monde, et friſſonne, et palpite ;

Que fais-je ? la feuillée, où pleuvent les oiſeaux,
Le lièvre qu’une meute au ravin précipite ;
Le cerf que l’hallali fait blémir dans ſon gîte ;
La mule, au flair du loup, contractant ſes naſeaux ;

Tout ce qu’on peut ſonger, imaginer, dépeindre,
N’eſt rien contre la peur dont je me ſens étreindre
À vos pieds ! Adieu donc, je me trouble ; et je fuis. —

J’ai besoin d’ombre ; il faut, ô trembleur que je ſuis,
Entre une femme et moi la nuit, le crépuſcule…
Et même alors j’ai peur ; j’hèſite et je recule. —