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Page:Villemin - Sonnets d’outre-tombe, 1877.djvu/40

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sonnets d’amour

LA GOUTTE D’EAU



Comme la goutte d’eau va creusant le rocher,
Tombe, et de plus en plus, d’heure en heure, y pénètre ;
L’amour vient, d’heure en heure, envahir tout mon être,
Si profond que plus rien ne l’en peut arracher.

Ce vertige eſt en moi, dont je ne ſuis plus maître.
Comme un lierre à ton col je voudrais m’attacher,
Comme un fleuve à ton cœur je voudrais m’épancher,
Comme une ombre à ton souffle expirer pour renaître ;

Croître, au bord du ſentier, herbe où tu viens t’aſſeoir ;
Comme un ruban me tordre à tes cheveux le ſoir,
Frémir comme une perle à ton ſein, ma colombe ;

Puiſſé-je en toi me perdre, et toujours de moitié
Dans tes larmes de deuil, de joie ou de pitié
Devenir de tes yeux la goutte d’eau qui tombe.