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LE TEMPS

qu’elle tenoit, augmentoit l’estime en telle sorte, qu’il étoit dans une perpétuelle admiration de sa modestie, de sa piété, & de son goût pour la retraite : mais ce n’étoit pas encore assez, il vouloit que tout le monde admirât, comme lui, les vertus d’une Reine, qui, dans une brillante jeunesse, insensible aux plaisirs, ainsi qu’aux charmes de la grandeur, le déroboit à la pompe dont elle étoit environnée, pour entretenir & pour écouter les Docteurs & les Prêtres de leur Loi ; sur-tout le Grand-Sacrificateur, dont la piété & la science paroissoit autant au-dessus de celles des autres, que lui-même étoit, par sa dignité, au-dessus de tous ceux de sa profession.

Le Sacrificateur, tout propre au personnage qu’il jouoit, & à l’emploi où la Reine l’avoit appellé, au-lieu des vertus qui paroissoient naturelles en lui, étoit le réceptacle de l’hypocrisie, de la fourberie, de la duplicité, de l’avarice, de l’ambition, de la cruauté, & de la flatterie. Peu de personnes le connoissoient tel qu’il étoit effectivement, parce qu’il avoit toujours su, avec tant d’adresse, couvrir les défauts sous un air de candeur & de sincérité, qu’il falloit que le petit nombre de ceux qui avoient pénétré le fond de