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ET LA PATIENCE.

des soupirs qui se changerent bien-tôt en sanglots, & qui furent si violents, que j’appréhendois qu’elle n’en étouffât. Quoi ! grande Princesse, lui disoit la personne qui l’accompagnoit, est-il possible que je vous voie dans un tel désespoir, & que je sois assez malheureuse pour ne pouvoir vous donner aucunes consolations, ni vous convaincre de la nécessité où vous êtes de suivre les conseils de la raison, en arrachant de votre cœur une passion qu’elle va condamner rigoureusement, & qui, malgré votre innocence, vous plongera, si elle dure, dans un abyme de maux & de remords ! Pensez, ajouta cette femme, que vous êtes destinée à épouser un grand Roi qui vous adore. Ce Monarque est aimable & vertueux ; il n’y a point de Princesses en Orient, qui ne s’estimassent heureuses de partager son Trône, & de régner sur son cœur. Cette femme se tut à ces mots, & la Princesse fut quelque temps sans faire connoître qu’elle l’eût entendue ; mais enfin, rompant le silence avec une exclamation : Non, s’écria-t-elle, je ne puis m’y résoudre, cher Prince, ton amour ne me reprochera pas d’avoir vécu pour un autre ; & ne pouvant vivre à toi, je ne serai jamais à personne.