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LE TEMPS

de tout ce qu’il en pourroit coûter ; enfin que, pour maintenir son honneur & sa réputation, tout sacrifice étoit légitime, sur-tout celui des innocents, dont on ne devoit jamais avoir pitié, quand leur perte pouvoit être de quelque utilité.

Avec des sentiments pareils, ce pernicieux mortel ne résista pas, comme vous le pouvez imaginer, aux avances d’amitié & de confiance qu’il reçut de la Reine, auprès de qui elle-même lui présentoit un moyen certain de s’avancer & de le rendre tout-puissant : mais comme il avoit ses vues secretes, & qu’il agissoit toujours en conséquence, cette Princesse fut la dupe de celui dont elle prétendoit se servir pour duper les autres.

Elle ne mettoit point en doute qu’il ne fût affectionné à son service, par les motifs apparents qui sembloient le lui devoir attacher : elle avoit de l’esprit & de la vivacité ; mais ayant été élevée si loin du Trône, & son éducation si différente de celle qui auroit convenu au poste qu’elle occupoit alors, il s’en falloit beaucoup qu’elle n’eût toute la politique ni l’expérience nécessaire pour son entreprise : ainsi, loin de s’en défier, il ne lui étoit pas venu dans l’esprit la moindre pensée que ce scélérat ne vouloit que se frayer,