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LE TEMPS

cesse l’aborda, en s’informant du sujet qui sembloit l’occuper si profondément : il ne put le lui cacher ; &, lui rapportant fidélement ce que sa sœur venoit de lui dire, il lui avoua, quoiqu’en tremblant, qu’il pensoit de même, mais que la peur qu’elle ne fût pas de leur sentiment, l’empêchoit de répondre au desir que Balkir avoit de trouver un séjour plus convenable à leur condition. Car enfin, belle Merille, ajouta-t-il tendrement, si vous ne voulez pas abandonner ce lieu, il n’est point de considération qui me puisse engager à le quitter, ni de fortune qui me tente s’il faut m’éloigner de vous.

Merille étoit aussi ignorante sur ce qu’elle sentoit pour Benga, qu’il l’étoit & son égard ; mais ces tendres mouvements, dont elle ne connoissoit pas la cause, quoiqu’elle en sentît les effets, ne lui permirent point de balancer. Elle fut de l’avis de son amant ; & la crainte d’une séparation cruelle l’ayant rendue éloquente, elle entreprit de persuader à ses freres que leur honneur étoit engagé à la nécessité de sortir d’un asyle qui devenoit honteux pour des Princes, unique espoir des Pays où ils étoient nés.

Les freres de Merille, qui étoient depuis long-temps accoutumés à cette vie