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ET LA PATIENCE.

vant témoigner autrement qu’en paroissant prendre quelque intérêt à son sort, elle fit un effort sur son dégoût pour savoir à qui elle étoit redevable de ces soins officieux : comme il faisoit encore assez de jour, elle l’envisagea de nouveau. En examinant las traits, elle la trouva fort belle ; mais elle n’avoit point cet air animé qui plaît dans une physionomie, & qui fait souvent préférer des appas médiocres à des beautés parfaites. La sienne n’a jamais été du goût général ; peu de personnes l’aiment, son air paisible & indolent étant plus propre à dégoûter qu’à attirer des admirateurs. Merille en avoit si bien fait l’expérience en l’abordant que, si elle eût pu se passer du secours qu’elle lui offroit, elle ne l’auroit assurément pas accepté, & ne s’étoit confiée à elle que comme à un pis-aller qu’il lui étoit impossible d’éviter. Cependant sa générosité la forçant à reconnoître la façon affable dont elle en avoit été reçue, elle se contraignit pour cacher l’éloignement que lui inspiroit sa fadeur.

Qui êtes-vous, obligeante personne, lui dit-elle, comment me connoissez-vous, lorsque je ne vous connois point ? & pourquoi enfin, sans vous avoir rien fait qui me puisse attirer votre amitié, me