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LE TEMPS

j’aimerois mieux y périr que de te rien devoir. La Patience me suffira sans t’avoir des obligations, trop payées par les insultes auxquelles elles m’exposent ; & si le secours de cette Divinité n’est pas assez fort pour me tirer d’ici, il n’est point de malheurs que je n’affronte plus volontiers que celui d’endurer davantage le chagrin de rester avec un Prince, de qui le manque de respect allarme continuellement ma modestie.

A ces mots elle s’éloigna, encore plus piquée des éclats de rire que son courroux faisoit faire à celui qui l’avoit offensée, que de l’offense même.

Mais s’appercevant que les Princes la suivoient, elle redoubla sa marche, & prit une course si rapide, qu’ils n’auroient pu la joindre si elle n’avoit été arrêtée par la Patience, qui, s’avançant vers elle, la retint.

Son approche calma le courroux de Merille ; & docile à ses conseils, elle se laissa persuader que sans injustice elle ne devoit pas refuser à Benga la satisfaction de l’entendre : il n’étoit point coupable de ce qui l’avoit irritée, & elle ne pouvoit s’empêcher de convenir qu’il seroit injuste de punir ce Prince de la faute de son frere, qui, au-lieu de s’excuser, ani-