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LE TEMPS

charmé de Merille, tandis que la beauté de Balkir, qui passoit toujours pour un jeune homme, enchantoit Faramine.

L’un de l’autre s’empressoient à les secourir, chacun suivant son inclination ; & comme le plus pressant besoin sembloit être celui de manger, après un si long jeûne, ils furent servis splendidement, avec une extrême diligence ; leurs Hôtes leur faisant l’honneur de se mettre à table auprès d’eux, moins pour manger, que pour avoir le plaisir de les servir.

Quand les mêts n’auroient pas été aussi exquis, la faim qui les tourmentoit, les leur eût fait trouver tels ; mais comme leur excellence effective étoit jointe à beaucoup d’appétit, la bonne grace & les empressements dont ils étoient offerts, en augmentoient encore le mérite.

Il faut pourtant dire que les honnêtetés de ces époux n’étoient pas générales. Faramine auroit laissé mourir Merille de faim avant de lui offrir un morceau, & peu s’en falloit que Broukandork ne reprochât à Balkir qu’il mangeoit trop : mais les attentions de la femme dédommageoient le prétendu jeune homme de celles que lui refusoit le mari ; & les siennes auroient consolé Merille des mépris de Faramine, quand elle y auroit été fort