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LE TEMPS

de me recommander le secret, j’en connus assez l’importance pour chercher un endroit écarté, afin d’y commettre en sûreté, le crime qu’il ne m’étoit pas possible d’éviter.

Je suivis le fil de la riviere, où je trouvai enfin, au-dessous d’un moulin, un lieu très-commode pour exécuter l’action dont je ne pouvois me cacher la noirceur à moi-même. Après en avoir déploré la fatale nécessité, je fis réflexion que les langes dans lesquels cet enfant étoit enveloppé, étoient à moi ; qu’ils avoient la marque de l’esclavage du Sacrificateur, & qu’ils pourroient être reconnus pour m’appartenir par quelqu’une de mes compagnes. Voulant éviter ce contre temps, je l’en dépouillois, lorsque j’entendis pousser des cris perçants qui sortoient du moulin, & qui m’effrayerent au point que je pensai me sauver. Les mauvaises actions redoublent la timidité naturelle.

Je me rassurai toutefois, poursuivit la femme esclave, & je fis attention que ces gémissements qui partoient d’une voix de femme, n’avoient pas l’air d’être causés par aucunes violences que l’on fît à la personne qui les poussoit, mais qu’ils venoient plutôt d’une extrême douleur. Ces, cris me troublerent cependant de telle