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LE TEMPS

sauver la vie à celui que Mouba avoit proscrit : je l’avois laissé à quelque distance du moulin, j’y retournai en diligence ; & après avoir achevé de lui ôter le peu de langes qui le couvroient, je jettai le mort dans la riviere, enveloppant à sa place celui qui me restoit dans les pieces que la Meûniere avoit préparées pour son fils.

Six heures de différence entre la naissance de ces deux enfants n’en fit pas une assez considérable pour que la malade la pût connoître ; je restai auprès d’elle jusqu’au moment qu’elle fut revenue de sa foiblesse, qui ne fut que trois heures après son accouchement. Elle me remercia affectueusement d’une charité sans laquelle elle auroit péri indubitablement : me demandant ensuite à voir son fils, je lui présentai le vôtre, qu’elle caressa avec la même vivacité que s’il eût été celui qu’il sembloit être.

Le Meûnier arriva peu après, & fut ravi de trouver sa femme heureusement délivrée, & d’avoir un si bel enfant ; car il fut trompé aussi facilement qu’elle, & ne me fit pas de moindres remerciements que ceux que j’avois reçus de la mere. Je supposai une histoire pour satisfaire la curiosité qu’ils me témoignerent sur l’occasion qui m’avoit conduite en ce lieu, & je