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ET LA PATIENCE.

dessein de mourir, prenant la résolution de vivre tant que les freres & ses cousines verroient le jour.

En suivant ce projet, elle accepta la nourriture que l’Esclave lui présentoit : elle n’en avoit voulu recevoir aucune depuis sa prison ; & cette diete, jointe à l’affoiblissement causé par la perte du sang que lui tiroit le monstre, lui avoit donné une telle débilité, qu’à peine pouvoit-elle se soutenir. La pitoyable vieille la voyant devenue si raisonnable, s’empressa avec zele pour lui faire prendre les mets qu’elle crut les plus propres à réparer ses forces.

Merille voulant suivre les conseils de la Patience, & éloigner les pensées qui la portoient au désespoir, demanda, pour se distraire, à la vieille Esclave, quelle fâcheuse aventure l’avoit conduite en cet affreux séjour, & comment elle s’étoit assez éloignée d’Angole pour y parvenir.

Hélas ! ma chere Princesse, reprit cette femme, vous en êtes l’innocente cause ; la conversation que nous eûmes ensemble, le jour que je mondois du riz, a été l’instrument de votre malheur & du mien : lorsqu’après m’avoir appris votre nom & votre condition, vous m’eûtes laissée, je m’abandonnai à mes réflexions, & j’en