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ET LA PATIENCE.

dangereuse bergerie, qui, croyant y venir chercher un asyle, n’y entrent que pour se livrer à leur épouvantable destinée, sans que je puisse leur rendre la liberté ; ce qui ne sert qu’à augmenter mes peines, n’étant pas plus la maîtresse ici, quoiqu’il soit absent, que s’il n’en partoit pas. Ces misérables viennent frapper à la porte, le bruit qu’ils font la fait ouvrir par magie ; mais elle se referme aussi-tôt qu’ils sont entrés, & je n’apprends leur infortune que quand il n’y a plus moyen d’y mettre obstacle.

Toute la ressource que j’ai, lorsque ce sont des personnes de mon sexe, c’est que je les demande pour m’aider, & il me les accorde quelquefois ; mais cela est rare, parce qu’il arrive peu de femmes ici, & même que ce n’est que suspendre leur destinée en leur donnant une mort plus lente : il leur suce le doigt comme il fait le vôtre, ensorte que je n’en ai pas encore vu d’assez robustes pour y résister un mois entier. Au moment que vos freres entrerent ici, ce fut lui qui les reçut, & qui les transforma à l’instant : comme ils ne sont pas gras, il les mit avec Zelima, d’où, à moins d’un bonheur inattendu, ils ne sortiront que pour mourir. Cependant, pauvre Merille, ajouta-t-elle, je vous con-