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LE TEMPS

rable ? A peu près, dit le Géant. J’en suis ravie, repliqua-t-elle avec une douleur qu’elle eut bien de la peine à cacher. Mais enfin, ajouta-t-elle, puisque vous n’avez rien à craindre, pourquoi évitez-vous donc si soigneusement d’avoir des hommes auprès de vous ? ils vous serviroient sans péril & sans conséquence ; & quand vous en seriez las, vous seriez toujours le maître de les transformer.

Je m’en garderai bien, s’écria Angoulmouëk ; car, encore qu’il soit difficile de me détruire, il n’est pourtant pas absolument impossible : cependant, comme je ne te crains point, je veux bien te dire qui je suis. Apprends donc, continua-t-il, que mon pere étoit le plus habile Magicien qui ait paru sur la terre : son art lui fit connoître qu’il n’auroit qu’un fils, & que cet enfant ne mourroit pas de mort naturelle, mais qu’il seroit tué par un homme caché chez lui, & ne pourroit perdre la vie d’aucune autre façon. Informé de cette circonstance, il se flatta de rendre ce fils presqu’éternel, en prenant des précautions si justes, qu’il ne pût entrer d’inconnus dans sa demeure.

Il épousa ma mere, de qui il étoit fort amoureux ; mais il ignoroit qui elle étoit, Lorsque l’amour se mêle des affaires des