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LE TEMPS

mort presque certaine, & sans doute plus effroyable ?

Pourquoi nous former de si tristes idées, reprenoit Balkir ? Quoi ! parce que cet homme & sa femme sont brusques & laids, & qu’apparemment ils se haïssent, & qu’ils aiment à se contredire, vous présumez, comme un fait certain, qu’ils nous tueront ? Et sur quoi fondez-vous ce funeste pronostic ? Les Princes n’ont aperçu chez eux aucunes marques de cruauté. Enfin, ma chere cousine, le pis qui nous y peut arriver, ce sera de filer de la soie. Et bien, quand cela arriverait, en souffririons-nous une peine aussi rude que celle où nous sommes exposés depuis si long-temps ? Croyez-moi, Princesse, ajouta-t-elle, profitons de cette apparence de bonheur : &, supposé que nous n’y en trouvions point, rappellons la chere Patience, unissions-nous à elle, & ne l’abandonnons plus ; elle rendra nos peines plus légeres.

Quoique ce discours fût fort sensé, & qu’il fût soutenu de l’avis des trois Princes, il n’étoit pourtant point capable d’ébranler la volonté de Mérille, qui paroissoit si déterminée à ne plus s’exposer à un danger qu’elle redoutoit sans le connoître, que son obstination auroit été plus