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LE TEMPS

gues, & faisant une figure brillante, j’ai tant de bonnes fortunes que j’en veux ; il n’y a qu’une chose qui me borne, c’est l’impuissance où je suis d’enlever aucunes des beautés qui se livrent à mes desirs ; il faut que ceux qui entrent ici, y viennent volontairement. J’en trouverois assez qui me voudroient suivre ; mais ce ne seroit point tel que je suis, & il ne m’est pas permis de profiter de leur bonne volonté, sous la forme où je leur apparois.

Tu vois, continua Angoulmouëk, que, ne courant pas de plus gros risques, je vivrai long-temps selon toutes les apparences, & qu’en observant toujours de ne point entrer dans ta chambre, & de ne pas laisser venir ici d’hommes qui y conservent une forme humaine, je ne suis point exposé à de grands dangers. Quant aux femmes, comme elles ne me sont pas dangereuses, je n’observe cette loi, que parce que d’ordinaire elles ont la chair plus tendre & plus délicate que les hommes, & que c’est autant de pieces de bétail dont je me prive, lorsque je leur laisse la vie sous leur forme naturelle. Il n’y a que les vieilles à qui je fais cette grace sans regret : comme elles ne sont point appétissantes, je ne daigne pas goûter de leur chair coriace ; mais j’en tire le