Page:Villetard de Laguérie - La Corée, indépendante, russe, ou japonaise.djvu/98

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Une bande de jeunes gens sautait autour d’un camarade qui jouait sur une flûte en bois jaune un air très doux et d’un rythme très original. Ces jeunes « classes dirigeantes » étaient venus faire une promenade et rentraient dîner. À côté, des paysans armés de grands aiguillons fumaient placidement leurs pipes près de la tête de magnifiques bœufs roux, arcboutés sous une colline composite de bottes de bûches à sa base, de gros paquets de broussaille à son sommet.

Des portefaix, accroupis le long de leurs crochets enfaîtés des mêmes matériaux, regardaient, sans la voir, filer l’eau en bandes huileuses ourlées d’une écume de lessive, entre les bancs de glaçons qu’elle faisait tournoyer, se chevaucher et plonger lourdement. Quelques femmes, ou du moins des êtres que j’ai pris pour telles, à leurs faces ravinées et glabres, se cachaient l’une derrière l’autre par crainte du blanc.

Enfin, on détache une grande barque, semblable à un de nos bacs ; on la pousse avec des perches ; tout ce monde s’arrime au milieu des bêtes, et nous dérapons pour une traversée mouvementée, où plusieurs fois nous eûmes à nous employer tous à faire filer sous le bateau ou le long de ses bordages, des blocs qui montaient à l’assaut. La rivière est large de 200 mètres.

On aborde au pied d’une grosse butte terreuse.

On peut se croire arrivé à Séoul devant le mât de pavillon qui y fait flotter haut l’étendard américain,