Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/189

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pour lesquelles la Diplomatie n’avait dès longtemps plus d’arcanes, détournèrent les chiens par une volée de calembours qui firent l’effet de pétards. Et la joie des convives fut à son comble quand on servit le nougat, qui représentait, comme l’année précédente, la petite ville de D*** elle-même.

Vers les neuf heures de la soirée, chaque invité, en remuant discrètement le sucre dans sa tasse de café, se tourna vers son voisin. Tous les sourcils étaient haussés et les yeux avaient cette expression atone propre aux personnes qui, après un banquet, vont émettre une opinion.

— C’est le même dîner ?

— Oui, le même.

Puis, après un soupir, un silence et une grimace méditative :

— Le même, absolument.

— Cependant, n’y avait-il pas quelque chose ?

— Oui, oui, il y avait quelque chose !

— Enfin, — là, — il est plus beau !

— Oui, c’est curieux. C’est le même… et, cependant, il est plus beau !

— Ah ! voilà qui est particulier !

Mais en quoi était-il plus beau ? Chacun se creusait inutilement la cervelle.

On se croyait, tout à coup, le doigt sur le point précis qui légitimait cette impression indéfinissable de différence que chacun ressentait — et l’idée, rebelle, s’enfuyait comme une Galathée qui ne voudrait pas être vue.