Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/221

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Les dames, dans l’admiration, regardaient ces modernes paladins et leur bourraient les poches de pâtes pectorales, vu l’automne.

Ceux-ci, sourds aux sanglots, s’arrachèrent bientôt des bras qui voulaient, en vain, les retenir…

— Un dernier baiser !… dirent-ils, chacun, sur le palier de son étage.

Et ils arrivèrent, débouchant de leurs rues respectives, sur la grand’place, où déjà quelques-uns d’entre eux (les célibataires) attendaient leurs collègues, autour de la carriole, en faisant jouer, aux rayons du matin, les batteries de leurs fusils de chasse — dont ils renouvelaient les amorces en fronçant le sourcil.

Six heures sonnaient : le char-à-bancs se mit en marche aux mâles accents de la Parisienne, entonnée par les quatorze propriétaires fonciers qui le remplissaient. Pendant qu’aux fenêtres lointaines des mains fiévreuses agitaient de mouchoirs éperdus, on distinguait le chant héroïque :


En avant, marchons
Contre leurs canons !
À travers le fer, le feu des bataillons !


Puis, le bas droit en l’air et avec une sorte de mugissement :


Courons à la victoire !


Le tout scandé, en mesure, par les amples coups de