Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/173

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à d’expansifs entretiens ? ― Oh ! ne faites pas attention à moi ! continuez ! Continuez !

― La singulière idée que vous avez eue là, mon cher Edison, de donner un rossignol réel à une andréïde ?

― Ce rossignol ? ― dit, en riant, Edison : Ah ! ah ! c’est que je suis un amant de la Nature, moi. ― J’aimais beaucoup le ramage de cet oiseau ; et son décès, il y a deux mois, m’a causé, je vous l’affirme, une tristesse…

― Hein ? dit lord Ewald : ce rossignol qui chante ici, est mort il y a deux mois ?

― Oui, dit Edison : j’ai enregistré son dernier chant. Le phonographe qui le reproduit ici est, en réalité, à vingt-cinq lieues, lui-même. Il est placé dans une chambre de ma maison de New York, dans Broad Way. J’y ai annexé un téléphone dont le fil passe en haut, sur mon laboratoire. Une ramification en vient jusqu’en ces caveaux, ― là, jusqu’en ces guirlandes, ― et aboutit à cette fleur-ci.

Tenez, c’est elle qui chante : vous pouvez la toucher. Sa tige l’isole ; c’est un tube de verre trempé ; le calice, où vous voyez trembler cette lueur, forme lui-même condensateur ; c’est une orchidée factice, assez bien imitée… plus brillante que toutes celles qui parfument les buées lumineuses de l’aurore sur les plateaux du Brésil et du Haut-Pérou.

Ce disant, Edison rallumait son cigare au cœur de feu d’un camélia rose.

― Quoi ! réellement, ce rossignol, dont j’entends l’âme, ― est mort ? murmurait lord Ewald.

― Mort ! dites-vous ? ― Pas tout à fait… puisque j’ai cliché cette âme, dit Edison. Je l’évoque par