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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/184

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rigueur, ce qu’une équipée de cet ordre pouvait présenter d’inconséquent… etc. »

Il hésita néanmoins deux secondes. L’air très réservé de miss Evelyn le décida. L’on alla donc souper, sans autre motif.

Une fois à table, il advint que miss Evelyn, ayant observé attentivement la tenue peu communicative d’Anderson, mit en œuvre, avec l’habileté la plus voilée, ses plus séductrices prévenances. Son maintien modeste donnait à sa mine un montant si charmeur, qu’au sixième verre de mousse, l’idée ― oh ! ce ne fut qu’une étincelle !… ― mais enfin, la vague possibilité d’un caprice ― effleura l’esprit de mon ami Edward.

― « Uniquement (m’a-t-il dit depuis), à cause de l’effort ― qu’il essayait, par jeu sensuel, ― de trouver ― (malgré son initiale aversion pour les lignes, en général, de miss Evelyn) ― un plaisir possible à l’idée de la posséder, à cause de cette aversion même. »

Toutefois, c’était un honnête homme : il adorait sa charmante femme : il repoussa cette idée, sans doute émanée des pétillements de l’acide carbonique en sa cervelle.

L’idée revint ; la tentation, renforcée du milieu et de l’heure, brillait et le regardait !

Il voulut se retirer ; mais déjà son désir s’était avivé en cette lutte futile et lui fit presque l’effet d’une brûlure. ― Une simple plaisanterie sur l’austérité de ses mœurs fit qu’il resta.

Peu familier des choses de la nuit, il s’aperçut assez tard, seulement, que, de ses deux amis, l’un avait glissé sous la table (trouvant apparemment le tapis plus avantageux que son lit lointain), et