Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/227

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La voix d’Edison était devenue singulièrement grave et mélancolique.

― Milord, dit-il, ici, du moins, je n’ai pas de surprises à vous faire. À quoi bon ! La réalité, comme vous allez le voir, est suffisamment surprenante pour qu’il soit fort inutile de l’entourer d’un autre mystère que le sien. ― Vous allez être le témoin de l’enfance d’un être idéal, puisque vous allez assister à l’explication de l’intime organisme de Hadaly. Quelle Juliette supporterait un tel examen sans que Roméo s’évanouît ?

En vérité, si l’on pouvait voir, d’une façon rétrospective, les commencements positifs de celle que l’on aime et quelle était sa forme lorsqu’elle a remué pour la première fois, je pense que la plupart des amants sentiraient leur passion s’effondrer dans une sensation où le Lugubre le disputerait à l’Absurde et à l’Inimaginable.

Mais l’Andréïde, même en ses commencements, n’offre jamais rien de l’affreuse impression que donne le spectacle du processus vital de notre organisme. En elle, tout est riche, ingénieux et sombre. Regardez :

Et il appuya le scalpel sur l’appareil central rivé à la hauteur des vertèbres cervicales de l’Andréïde.

― C’est la place du centre de la vie chez l’Homme, continua-t-il. C’est la place de la vertèbre où s’élabore la moelle allongée. ― Une piqûre d’aiguille, ici, vous le savez, suffit pour nous éteindre à l’instant même. En effet, les tiges nerveuses dont dépend notre respiration prennent racines en ce point : de sorte que, si la piqûre les touche, nous mourons étouffés. Vous voyez que j’ai respecté