Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/294

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belle personne m’apparaisse en son reflet puisque je vais le lui prendre. ― Tenez, ajouta-t-il en tournant un pas de vis qui leva les tarchettes de leurs écrous, miss Alicia Clary cherche la serrure, elle trouve le loquet de cristal… la voici.

La porte du laboratoire s’ouvrit à cette dernière parole : une grande et admirable jeune femme apparut sur le seuil.

Miss Alicia Clary était vêtue d’une chatoyante robe de soie d’un bleu pâle et qui paraissait vert-de-mer sous les lumières ; en ses noirs cheveux s’épanouissait une rose rouge et des étincelles de diamants scintillaient à ses oreilles ainsi qu’au tour évasé de son corsage. Une mante de martre était jetée sur ses épaules, et un voile de point d’Angleterre lui entourait délicieusement le visage.

Cette femme ― vivante évocation des lignes de la Vénus victorieuse, ― éblouissait. ― La ressemblance avec le divin marbre apparaissait immédiatement, si frappante, si incontestable que cette vue causait une sorte de saisissement mystérieux. C’était bien l’original humain de cette photographie qui avait rayonné, quatre heures auparavant, dans le cadre réflectif.

Elle demeurait immobile et comme surprise de l’aspect du lieu plus qu’étrange qui lui apparaissait.

― Entrez, de grâce, miss Alicia Clary ! Mon ami, lord Ewald, vous attend avec la plus passionnée des impatiences : et ― permettez que j’ose le dire ― je la trouve bien légitime en vous regardant.

― Monsieur, répondit la belle jeune femme ― avec une intonation de patronne de magasin, mais,