Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/376

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jusqu’à nos jours perdue, des cataractes, des torrents, ― que sais-je ! du reflux même, peut-être. ― Mais ce prestige est, à la rigueur, intelligible, étant donnés les conducteurs palpables, ― magiques véhicules, ― en lesquels vibre la puissance du fluide ! Tandis que le fait de translation semi-substantielle de ma pensée vive… comment l’admettre, à distance, sans inducteurs, si ténus qu’ils puissent être ?

― D’abord, répondit l’électricien, la distance, en vérité, n’est plus ici, qu’une sorte d’illusion. Et puis ! vous oubliez bon nombre de faits officiellement acquis, depuis peu de temps, à la Science expérimentale : savoir, par exemple, que ― non plus seulement le fluide nerveux d’un être vivant, mais la simple vertu de certaines substances se transmettent à « distance » dans l’organisme humain, sans ingestion, suggestion ni induction. Les faits suivants ne sont-ils pas avérés aux yeux des plus positifs médecins actuels : ― voici tel nombre de flacons de cristal, hermétiquement scellés et enveloppés, contenant, chacun, telle drogue dont j’ignore le nom. Je me saisis, au hasard, de l’un d’entre eux ; je l’approche, à dix ou douze centimètres, de la base crânienne d’un ― hystérique, par exemple : ― en quelques minutes, voici que le sujet se convulse, vomit, éternue, clame ou s’endort selon les vertus propres au spécifique présenté derrière sa tête à cette distance. ― Quoi ! si c’est un acide mortel, ce malade offrira les symptômes ― pouvant entraîner son décès ― de l’intoxication par cet acide ? Si c’est tel électuaire, il tombera dans une ponctuelle extase, revêtue, cons-