Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/388

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ques noms de ces malheureuses victimes. »

(Suivait une liste officielle, dans les premiers noms de laquelle figurait celui de miss Emma-Alicia Clary, artiste lyrique).

Edison jeta le journal violemment. Cinq minutes se passèrent sans qu’une parole traduisît sa sombre songerie. D’un mouvement de la main sur un bouton de cristal, il éteignit les lampes.

Puis, il se mit à faire les cent pas dans l’obscurité.

Soudain le coup de timbre du télégraphe sonna.

L’électricien fit luire la veilleuse auprès de son appareil Morse.

Trois secondes après, se saisissant de la dépêche, il lut les paroles suivantes :

« Liverpool, pour Menlo Park, New Jersey. États-Unis 17. 2. 8. 40. Edison, ingénieur :

« Ami, c’est de Hadaly seule que je suis inconsolable ― et je ne prends le deuil que de cette ombre. ― Adieu. ― Lord Ewald. »

À cette lecture le grand inventeur se laissa tomber sur un siège, auprès de l’appareil : ― ses regards distraits rencontrèrent, non loin de lui, la table d’ébène : une clarté lunaire pâlissait encore le bras charmant, la main blanche aux bagues enchantées ! Et, songeur attristé, se perdant en des impressions inconnues, ses yeux s’étant reportés au dehors, sur la nuit, par la croisée ouverte, il écouta, pendant quelque temps, l’indifférent vent de l’hiver qui entre-choquait les branches noires, ― puis son regard s’étant levé, enfin, vers les vieilles