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Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/115

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— Et… vous vous appelez Daphnis et Chloë ?… dit-il.

— Oh ! ce sont nos petits noms, seulement… répondit Daphnis. Nos familles, jadis à l’aise, habitaient à Paris, aux Champs-Élysées, lorsqu’une subite conversion les réduisit au travail. Donc, récent avocat, j’allais bâiller mon stage, comme tout le monde ; Chloë, studieuse et déjà doctoresse, étudiait pour devenir sage-femme, lorsqu’un petit héritage nous a permis de nous unir tout de suite, sans attendre la clientèle, — et d’essayer de reprendre, selon nos goûts natals, en cette vieille forêt, notre existence du temps de Longus… mais, c’est difficile, aujourd’hui. — Quoi ? vous ne mangez plus, cher étranger ?… Voulez-vous deux œufs au miroir ? Ceux-ci sont à la mode. Ils proviennent de l’exportation, vous savez ? de ces trois millions d’œufs artificiels que l’Amérique nous expédie par jour ; on les trempe dans une eau acidulée qui fait la coque : c’est instan-