Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/229

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petite Yvaine, n’était-ce pas pour lui le réel bonheur au milieu de cette séparation forcée, mais saturée d’espérance, qui était, au fond, la plus grande chance de sa vie ? N’était-ce pas même le seul bonheur possible, entre eux, que cette ombre ?

En admettant que son numéro l’eût exempté du service et qu’il eût épousé, là-bas, son Yvaine, quelle différence ! Après les ivresses brèves, lorsqu’il se serait aperçu de la futile, oisive, inconsistante, coquette et dangereuse nature de sa femme, que de pleurs secrets il eût versés, lui qui ne pouvait concevoir que sacré le foyer conjugal !…

Quel ennui bientôt ! quelle vieillesse redoutable ! quelle solitude à deux, si toutefois une légèreté de sa femme n’eût pas amené quelque tragique dénouement.

Eh bien ! au lieu de ce résultat positif du bonheur soi-disant réalisé, sa bonne étoile d’homme prédestiné à n’être que réellement heureux l’avait comblé de ces quatre ans et