Page:Villiers de L'Isle-Adam - Tribulat Bonhomet, 1908.djvu/59

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J’ai perdu, sans fruit, une partie de mon intelligence à me demander pourquoi les êtres qui m’ont vu pour la première fois ont pris des figures convulsées par le rire et des attitudes désolantes. Mon aspect, sans me vanter, devrait, au contraire, j’imagine, inspirer des pensées, par exemple, comme celle-ci : « Il est flatteur d’appartenir à une espèce dont fait partie un pareil individu !… »

Physiquement, je suis ce que, dans le vocabulaire scientifique, on appelle : « un Saturnien de la seconde époque. » J’ai la taille élevée, osseuse, voûtée, plutôt par fatigue que par excès de pensée. L’ovale tourmenté de mon visage proclame des tablatures, des projets ; — sous d’épais sourcils, deux yeux gris, où brillent, dans leurs caves, Saturne et Mercure, révèlent quelque pénétration. Mes tempes sont luisantes à leurs sommets : cela dénonce que leur peau morte ne boit