Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/21

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Ma fille, lorsqu’il y a trois mois je vous fis des ouvertures à ce sujet, j’essuyai, de votre part, un refus. J’eus recours à l’in-pace, aux privations sévères, aux mortifications… Et pendant que vous subissiez, résignée d’ailleurs, votre pénitence, je faisais prier pour vous et j’intercédais moi-même avec ferveur, offrant mes larmes à Celui qui est tout pardon.

Ne me forcez donc plus à recourir à des rigueurs pour vous faire rentrer en vous-même et vous pousser, pour ainsi dire, vers le Ciel. Aujourd’hui, en ce beau soir de fête, je vous ai tirée de votre cachot ; j’ai choisi cette nuit bienheureuse pour vous consacrer au Seigneur, au milieu des fleurs, des lumières et de l’encens. Vous serez la fiancée amère de ce soir nuptial.

Ainsi la grâce descendra sur vous ; l’oubli vous rendra l’esprit moins inquiet ; vous sentirez bientôt le poids de l’amour divin ; et, un jour (il n’est pas loin, peut-être !) tressaillant au souvenir de cette heure sainte, vous m’embrasserez, les joues baignées de pleurs d’extase et de joie. — Et ce sera le touchant, l’édifiant spectacle, réservé aux vierges qui demeurent à l’ombre de cet autel. Et vous comprendrez, alors, ce que j’ai osé faire, ce que j’ai pris sur moi d’accomplir. — Allons, soyez en paix.

Elle se détourne.