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L’Archidiacre, après un moment

Je ne distingue pas encore bien votre pensée. Continuez, ma sœur. Comment cette action insignifiante… et même louable, dans une certaine mesure ?…

L’Abbesse, les yeux fixes et comme se parlant à elle-même

Les traits de Sara brillaient, en ce moment, d’une expression de joie mystérieuse ! d’une joie profonde et terrible. Non, ce qu’elle venait de lire n’était pas une prière !… Son aspect avait quelque chose de solennellement inconnu, d’inoubliable. — Je l’interrogeai, les yeux sur les siens, à l’improviste. — Le regard qu’elle leva lentement sur moi fut si atone, qu’il me causa l’impression d’un danger. Elle me répondit, après un silence et une grande pâleur, qu’elle venait d’anéantir, simplement, un vain souvenir d’orgueil… ses propres armoiries, reconnues sur cette page. — Ferveur suspecte ! — Je relus la lettre du patriarche pour m’assurer de la vérité. Le livre provenait, en effet, de la défunte châtelaine d’Auërsperg, — et ceci semblerait expliquer, aujourd’hui, les paroles de Sara… Cependant, mon père, j’ai gardé, je l’avoue, de cet instant qui a duré un éclair, oui, j’ai gardé certaine pensée… oh ! une