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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/154

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la mécanique — ce qui est beaucoup plus expéditif (et même plus propre) que d’être enterré à la main, plus moderne aussi. En trois tours de cric, une grue à cordage vous dépose, vous et votre bière, dans le trou, comme un simple colis. — Crac ! un tombereau de gravats boueux s’incline : brrroum ! c’est fait. Vous voilà disparu. Puis, cela roule vers l’ouverture voisine : à un autre ! et même jeu. Sans cette rapidité, il saute aux yeux que l’administration surmènerait en vain ses noirs employés : vu l’affluence, et les chiffres, toujours croissants, de la population, le sinistre personnel des Pompes-Funèbres n’y pourrait suffire et le service en souffrirait.

Toutefois, ce vague remède physique s’était vu d’une impuissance appréciable dans l’espèce : et divers accidents en ayant rendu l’usage inopportun (du moins en ces circonstances exceptionnelles) on avait cherché « autre chose » — et le bruit courait, à présent, qu’un inconnu de génie avait trouvé l’expédient.

Or, à quelque temps de ces entrefaites, par un frais matin soleillé d’or, entre le long vis-à-vis des talus en verdures, plantés de peupliers, passait, sur un char tiré au pas de deux sombres chevaux, un amoncellement de violettes, de bruyères blanches, de roses-thé en couronnes — et de ne m’oubliez pas ! — C’était sur la route du champ d’asile d’une de nos banlieues.

Les franges des draperies mortuaires scintillaient, givres d’urgent, à l’entour de cette ambulante moisson florale qui transfigurait en un bou-